Point Hebdo du 03/06/2024
Point de marché du 03/06/2024 : AA-, who cares ? ou le cynisme des marchés
Du point de vue politique, il s’agit d’un incontestable revers. Un argument de poids dans le débat public à la veille d’échéances électorales, qui ne flatte pas le gouvernement en place.
La question du surendettement des Etats est un sujet de première importance qu’aucun économiste ne peut considérer comme secondaire, surtout quand cette dette ne produit pas les effets promis sur la croissance.
Le risque de sanction des marchés, qui pourrait se traduire par une fuite des investisseurs et une hausse du coût de la dette française paraît pourtant relativement limité. Il y a plusieurs raisons à cela :
- Une certaine acceptation de la dette. La France est loin d’être un cas isolé, en effet, que ce soit en Europe ou au-delà: Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni… aucune de ces grandes nations ne peut se targuer de ne pas être surendettée aujourd’hui, dans un contexte où l’action des gouvernements est sollicitée de toutes parts depuis plusieurs années que ce soit pour faire face à l’épidémie de covid, aux défis climatiques ou à ceux de la géopolitique…
- Le retour d’une inflation, que beaucoup considèrent comme structurelle, permet de mieux accepter les hauts niveaux de dette dont les coûts restent inférieurs à ce qu’ils ont été en moyenne par le passé. Malgré la hausse des taux d’intérêt des deux années écoulées, les taux réels restent relativement faibles, en effet, de 0,8% aujourd’hui pour les taux à 10 ans de l’OAT (3%) corrigés d’une inflation à 2,2% en mai, contre 2% en moyenne entre 2000 et 2012, avant que les économies européennes ne basculent dans une situation de déflation latente pour cause de restriction budgétaire.
- Enfin et surtout, les liquidités sont abondantes et les banques centrales détiennent toujours une large part des titres des dettes publiques. La réduction de leur bilan s’est faite de manière très graduelle afin, précisément, de sécuriser les Etats et de ne pas entraver leur action face à des enjeux critiques. Ce choix a également comme conséquence d’entretenir un haut niveau de liquidités.
- Dit autrement, sur les marchés financiers l’actualité de la semaine ne sera vraisemblablement pas dominée par le changement de notation de la dette française mais par trois autres marqueurs : l’ISM et l’emploi américains qui donneront le la aux anticipations de politique monétaire de la Fed, et la communication de la BCE, laquelle, en dépit d’une baisse vraisemblable de ses taux directeurs pourrait apparaître plus réservée qu’escompté sur la suite qu’elle donnera à l’assouplissement de sa politique.
Les questions de surendettement, seront quant à elles reléguées à un futur plus ou moins lointain…